PROGRÈS, SCIENCE ET RAISON [2]

Publié le par alain laurent-faucon


SYNTHÈSE : PROGRÈS, SCIENCE ET RAISON

LES MARQUEURS DU MONDE « MODERNE »


NOTES :


[1] Tout commence le 27 janvier 1687 quand Charles Perrault lit, à l’Académie française, un poème intitulé Le Siècle de Louis le Grand, dont les premiers vers sont déjà un scandale pour l’époque : « La belle Antiquité fut toujours vénérable, / Mais je ne crus jamais qu’elle fût adorable. / Je vois les Anciens sans ployer les genoux. / Ils sont grands, il est vrai, mais hommes comme nous ; / Et l’on peut comparer sans craindre d’être injuste / Le siècle de Louis au beau siècle d’Auguste. »

[2] C’est l’époque des grands travaux entrepris par le baron Haussmann et la transformation de la capitale est spectaculaire : ouverture de nouvelles artères et des grands boulevards, réorganisation des transports urbains, création de nombreux squares et de vastes parcs à l’anglaise, le Bois de Boulogne notamment évoqué par Zola dans son roman La Curée. Le grand magasin – « toute une rue du commerce à lui seul » - voit le jour comme, par exemple, le « Bon Marché » qui inspirera Zola dans son roman Au Bonheur des Dames. Sans oublier les Halles décrites par Zola dans son roman Le Ventre de Paris.

[3] Comme le rappelle Jacques Noiray dans son étude intitulée Le Romancier et la Machine, L’image de la machine dans le roman français (1850-1900), « ce qui distingue Saint-Simon des autres socialistes utopiques français, c’est l’importance que le concept d’Industrie (entendu au sens large d’activité productrice, quelle qu’elle soit) prend dans son système politique. » Dans son ouvrage Du Système industriel (1820-1822), Saint-Simon écrit : « La France est devenue une grande manufacture, et la Nation française un grand atelier. » Dans le Catéchisme des Industriels (1823-1824), il conclut : « En un mot, tout se faisant par l’industrie, tout doit se faire pour elle. » Voilà pourquoi, fait remarquer Jacques Noiray, certains saint-simoniens, après la mort du maître, se sont trouvés mêlés, souvent de près, au développement du capitalisme et de l’industrie modernes. « Les banques, les canaux, les chemins de fer trouveront en eux des propagandistes fervents, et toute apologie, au XIXe siècle, de l’expansion capitaliste et de la production industrielle, se fonde, plus ou moins précisément, sur une exploitation des idées saint-simoniennes. »

[4] Il semble que ce soit l’écrivain Jean-Jacques Rousseau qui, le premier, ait annoncé, sur ce point comme sur d’autres, les conceptions romantiques. Dans l’Emile, il écrit notamment : « Tant d’instruments inventés pour nous guider dans nos expériences et suppléer à la justesse des sens en font négliger l’exercice […] plus nos outils sont ingénieux, plus nos organes deviennent grossiers et maladroits ; à force de rassembler des machines autour de nous, nous n’en trouvons plus en nous-mêmes. » Pour Rousseau, la civilisation technicienne est source de corruption, et les machines, en affaiblissant les corps qu’elles secondent, finissent par atteindre l’âme.

[5] Dans L’Argent (roman de Zola), l’Universelle, la banque de Saccard, apparaît « pareille à une machine, bourrée de charbon, lancée sur des rails diaboliques, jusqu’à ce que tout crevât et sautât, sous un dernier choc ». Autre exemple, dans Au Bonheur des Dames, Zola, pour décrire le grand magasin, le compare à une machine :. « Alors, Denise eut la sensation d’une machine, fonctionnant à haute pression, et dont le branle aurait gagné jusqu’aux étalages. »

[6] Cf. « Indications bibliographies » en annexe à la présente synthèse.

[7] « Le triomphe universel de la science arrivera à assurer aux hommes le maximum de bonheur et de moralité », écrit-il dans la Revue de Paris, 1er février 1895.

[8] « Ma conviction humaine est que la religion de l’avenir sera le pur humanisme, c’est-à-dire le culte de tout ce qui est l’homme, la vie entière sanctifiée et élevée à une valeur morale. » Ou encore : « La vraie religion n’est que la splendeur de la culture intellectuelle, et elle ne sera accessible à tous que quand l’éducation sera accessible à tous. » - L’Avenir de la science.

[9] De 1830 à 1842, Auguste Comte publie son Cours de philosophie positive, puis, entre 1851 et 1854, les quatre volumes de son Système de politique positive.

[10] Suivant une loi de progression interne, les sociétés passent par trois états successifs. Dans le premier, l’état théologique, des « idées surnaturelles » servent à lier le petit nombre d’observations isolées dont la science se compose alors. « Les faits observés sont expliqués, c’est-à-dire vus a priori, d’après des faits inventés… » Le second état, le métaphysique, que Comte qualifie de « bâtard », lie les faits « d’après des idées qui ne sont plus tout à fait surnaturelles et qui ne sont pas encore entièrement naturelles ». L’explication a lieu par entités, abstractions sans liens organiques avec les phénomènes. La plus célèbre de ces entités, c’est la fameuse « horreur du vide », qui occupa tant Descartes, Pascal et leurs contemporains. Quant au troisième état, Comte le qualifie de « définitif ». Désormais, les faits sont liés par des rapports ou lois, « suggérés ou confirmés par les faits eux-mêmes ». La loi des trois états est la « loi fondamentale de l’évolution intellectuelle ». Comte ajoute : « les savants (les sociologues) doivent aujourd’hui élever la politique au rang des sciences d’observation ».

[11] Le dogme fondamental de la philosophie positiviste – exprimé par A. Comte - n’est autre que l’affirmation du déterminisme : « Tous les phénomènes quelconques, inorganiques ou organiques, physiques ou moraux, individuels ou sociaux, sont assujettis à des lois rigoureusement invariables » (Cours de philosophie positive, tome VI, p. 655).

[12] Cf. « Indications bibliographies » en annexe à la présente synthèse.

[13] Sous la bannière du réalisme, l’on regroupe des auteurs comme Honoré de Balzac qui entend concurrencer l’état civil ; Stendhal qui veut faire du roman un « miroir du monde » : miroir révélant sans pitié, mais sur le mode souriant, la vérité des êtres et des sentiments, mais aussi miroir révélant les travers et les petitesses de la société (le Rouge et le Noir, 1830 ; Vie de Henry Brulard, éd. posthume 1890 ; la Chartreuse de Parme, 1839) ; et Gustave Flaubert qui déplore de passer pour le maître du réalisme.

[14] Cf. « Indications bibliographies » en annexe à la présente synthèse.

[15] Scientisme : attitude philosophique proche du positivisme qui affirme que la science peut faire connaître toute chose et peut répondre, à plus ou moins long terme, à tous les désirs de l’humanité.

[16] Définissant l’œuvre comme « un coin de la création vu à travers un tempérament », Zola préfère, et de loin, Balzac à Stendhal. « Prenez un personnage de Stendhal : c’est une machine intellectuelle et passionnelle parfaitement montée. Prenez un personnage de Balzac : c’est un homme en chair et en os, avec son vêtement et l’air qui l’enveloppe. Où est la création la plus complète, où est la vie ? Chez Balzac, évidemment. » Comme le rappelle Henri Guillemin, « a-t-on suffisamment remarqué que le fameux style oral dont Céline a tiré des merveilles – je dis bien : des merveilles – mais dont il se proclamait l’inventeur, c’est Zola, le Zola de L’Assommoir, qui lui en avait donné l’exemple ? Dans ses notes préalables pour cet ouvrage-là, Zola indiquait son option : Le style ? A toute volée ! Et sa trouvaille, sa puissante trouvaille, fut d’écrire (style indirect et direct en même temps) dans leur langue ce que pensent à mesure ses personnages. Pas de coupure. Il continue sur sa lancée, mais, tout à coup, ce n’est plus lui qui nous parle, c’est Gervaise, c’est Coupeau. Ils nous parlent pendant qu’ils agissent. Nous sommes soudain au-dedans d’eux, et ce sont leurs pensées, leurs mots que nous entendons. »

[17] Zola légitime son entreprise littéraire par une référence systématique aux sciences de la nature : lutte pour la vie et sélection naturelle (Darwin, De l'origine des espèces, 1859), lois de l'hérédité (Lucas, Traité philosophique et physiologique de l'hérédité naturelle, 1850), sans oublier enfin la démarche expérimentale et médicale (Claude Bernard, Introduction à l'étude de la médecine expérimentale, 1865).

[18] Jean-Luc Porquet, in préface à l’ouvrage de Jacques Ellul, Le Système technicien.

[19] Taguieff Pierre-André, Du progrès, Biographie d’une utopie moderne, essai, éd. Librio, Paris, 2001.

ALF


Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article